TU CRITIQUES, MAIS TU T’ABONNES

En France, l’école est obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Pourtant, en 2020, plus de 5% des jeunes de moins de 16 ans étaient déscolarisés. En 2022, ce sont près de 8% des adolescents de 18 à 24 ans qui ne sont pas allés jusqu’au Brevet des collèges (chiffres INSEE). Jason, Kenzo, Kimy, Yanis, Angel et Looka font partie de ceux qui ont à peine commencé le collège. Mais en réalité, ils avaient lâché bien avant.

L’association Jean Gailhac œuvre pour l’accompagnement des jeunes du bassin bitterois à travers un service d’accueil de jour et un soutien à la parentalité. Elle propose, dans ses 6 sites disséminés dans les zones les plus rurales du territoire, un centre de formation (CREF ou Centre de Réentraînement à l’Effort et à la Formation), un hébergement dont peuvent bénéficier ceux dont les situations familiales le nécessitent, mais surtout un encadrement assuré par une équipe de travailleurs sociaux qui endossent tour à tour les rôles de professeurs, accompagnateurs, grands frères ou sœeurs, figures d’autorité et animateurs.

Au CREF, les jeunes renouent doucement avec une expérience de l’école souvent traumatique. Ils intègrent à leur rythme les savoirs dont l’absence est excluante dans les cursus classiques. Dans ces “fermes pédagogiques”, au contact des animaux, ils apprennent à prendre soin. D’eux et des autres. Mais surtout à se responsabiliser. 

Dans le cadre de la résidence La fabrique de l’info, nous sommes allés à Colombiers, Cazouls-les-Beziers ou Poussecq. Nous avons rencontré ces jeunes et travaillé avec eux sur le rapport aux médias, les fake news, l’image et l’écriture de soi. Mais aussi sur la déconstruction des clichés. 

Des clichés, nous en avions en arrivant. Nous nous attendions à rencontrer des “Enfants Terribles”. Sur place, nous avons rencontré des jeunes dont le principal problème est d’avoir grandi un peu trop vite mais qui, face aux blessures que la vie leur a infligées, font preuve d’une résilience dont peu d’entre nous se sentiraient capables. 

Parfois, ils ont rendu les coups. Un peu à côté. Un peu trop fort. Sans penser aux conséquences. Comme tous les jeunes de leur âge, ils évoluent dans un monde façonné par les réseaux sociaux et des injonctions paradoxales. un monde qui s’immisce dans la moindre fêlure. En manque de repères, ils oscillent en permanence entre l’enfance et l’âge adulte. 

Avec eux, nous avons abordé le pouvoir de l’image, l’information, mais aussi des sujets sociétaux comme le harcèlement scolaire ou le racisme ordinaire. Nous leur avons proposé de prendre la parole et de revendiquer ce qui, pour eux, comptait. Et ils l’ont fait. 

Depuis cette école de la vie et de la seconde chance, où ils réapprennent la stabilité, ils ont envie que le monde arrête de les considérer comme des bons à rien. Tu critiques, mais tu ‘t’abonnes, c’est le slogan qu’un de ces jeunes a choisi d’écrire lors d’un atelier qui consistait à organiser une vraie fausse manif. Une phrase qui formule une critique lucide et revendique le droit d’être soi-même, même si on ne rentre pas tout à fait dans les cases imposées par la société, l’administration et les réseaux sociaux.

Reportage photographique : Marielle Rossignol

Portraits réalisés par les jeunes

Un grand merci à l’association Jean Gailhac et ses animateur·ices Agnès Vialette, Béatrice Madalle Fuentes, Vanessa Zamparo, Lilia Chouchanne

Merci aussi à Jason, Kenzo, Kimy, Yanis, Angel et Looka de nous avoir ouvert les portes et confié leurs histoires.

Ces ateliers  d’éducation aux médias ont été menés par Marie-Pierre Soriano et Marielle Rossignol dans le cadre de la Résidence La Fabrique de l’Info, portée par la Médiathèque départementale Pierresvives et le Département de l’Hérault et financée par la DRAC Occitanie. L’exposition a été produite avec le soutien de l’association Jean Gailhac.